Dernières tendances chinoises

J'ai passé une bonne partie de mon été en Chine, plus particulièrement dans la région de Shanghai et dans le Jiangsu, où j'ai pu discuter avec de nombreux professionnels de l'énergie et du développement durable ainsi qu'avec des fonctionnaires locaux. Je vous en ramène quelques unes des tendances actuelles dans les domaines de l'énergie et du développement durable chinois. Si vous pensez que les innovations de l'Empire du milieu peuvent donner le la au reste du monde, cet article est fait pour vous !


Le Vélib', en vraiment libre (peut-être trop ?)


L'affaire semblait entendue : en s'enrichissant, les chinois passeraient du vélo au deux roues motorisés puis à la voiture - avec tous ses inconvénients : embouteillages, pollution... Et pourtant ! Depuis quelques mois, les vélos font un retour spectaculaire dans les rues des villes chinoises.
Que s'est-il passé ? Après quelques essais moyennement fructueux de types vélib', un nouveau système de vélopartage envahit rapidement le pays. Plus de stations : les vélos peuvent être pris et déposés n'importe où, il suffit de trouver un vélo et de scanner son QR code avec un téléphone portable pour obtenir le code de l'antivol. Lorsqu'on n'en a plus besoin, on referme l'antivol et le tour est joué.

Mobike, Ofo ou Youon : les startups chinoises qui révolutionnent le vélopartage
Une dizaine de start-up se sont lancées sur ce marché avec des vélos classiques ou à assistance électrique, parfois localisés par GPS. Leurs noms : Mobike, Ofo, Xiaoming ou encore Youon qui est en train d'être introduit en bourse. Les méthodes de tarification sont variables mais le prix est toujours dérisoires : moins d'un renminbi par heure, soit quelques centimes d'euros.
Ce système repose sur la mise à disposition massive de vélos : plus d'une dizaine de millions au total. Ces nouvelles bicyclettes aux couleurs vives envahissent les trottoirs et, dans certains endroits, s'entassent littéralement. Point positif : cette demande semble avoir, au moins temporairement, relancé l'industrie cycliste chinoise qui semblait condamnée. Points négatifs : les autorités municipales s'agacent et le taux de perte, de dégradation et de vol est très haut, un des principaux obstacles à la pérennité de ce système.


L'éolien prend la mer


Depuis longtemps un acteur majeur de l'éolien terrestre, la Chine semble être en train de prendre le parti de l'off-shore.
Il y a bien sur une évidence géographique : la Chine possède une façade maritime orientale de 15.000km sur laquelle se concentre presque tous ses centres urbains et industriels. La volonté de préserver des surfaces libres dans une des régions les plus densément peuplées de la planète joue aussi un rôle important. Ainsi que - croyez-le ou non - les pressions sociales : dans le Jiangsu des éleveurs de crevettes et des fermes d'algues se sont plaints d'une baisse de leurs productions après l'implantation d'éoliennes à proximité et ont obtenu une indemnisation du gouvernement...

Ce virage vers l'off-shore ne se voit pas encore dans les statistiques : en 2016, la Chine produisait 181TWh d'électricité éolienne... dont seulement 1TWh en mer. Mais malgré quelques tâtonnements (au large de l'estuaire du Yangtse, on a vu apparaître une paire d'éoliennes bipales "pour économiser des matériaux"), il semble bien engagé. Certaines communes côtières jusque là très actives dans l'éolien terrestre ont, officiellement ou de fait, décrété un moratoire au profit de l'off-shore. Cette dynamique pourrait aussi profiter aux autres énergie marines, jusque là inexistantes en Chine : des études en vue de l'installation de systèmes houlomoteurs ou hydroliens sont en cours.


Le solaire entre dans les foyers


Je vous en ai déjà parlé : historiquement, la Chine a fait le choix de solaire thermique domestique, filière qu'elle domine aujourd'hui de la tête et des épaules. Plus récemment, elle s'est ouvert au solaire photovoltaique et s'est dotée en un temps record du premier parc mondial. Mais la fête est peut-être déjà finie : ce développement spectaculaire était encouragé par un tarif de rachat garanti (ou feed-in tariff) que le gouvernement chinois a rendu moins généreux mi-2017. Cette baisse programmée a entraîne un formidable pic des raccordements au second trimestre : 18GW, soit l'équivalent de trois fois l'ensemble du parc français ! Logiquement, le rythme devrait se ralentir dans les mois qui viennent, d'autant que le photovoltaique est, comme l'éolien, victime de la volonté de laisser les sols libres : des projets de fermes solaires ont été annulés parce qu'ils réclamaient des surfaces jugées trop importantes.

Peut-être par contrecoup, l'industrie solaire photovoltaique chinoise se tourne désormais vers les systèmes résidentiels. Dans les zones rurales, seules à disposer d'habitations individuelles permettant ce type d'installations, il n'est plus rare de voir l'incontournable chauffe-eau solaire voisiner avec une dizaine de panneaux photovoltaiques.
Cependant ces installations sont coûteuses : de l'ordre de 50.000RMB dans des zones où 200.000RMB par an est un excellent salaire. Leur développement est donc très dépendant de la publicité et surtout du crédit.

Ce nouvel élan semble donc fragile. Quoiqu'il en soit, passant du solaire thermique au grand photovoltaique puis au photolvatique individuel, le développement du solaire chinois s'est fait par ordre d'EROEI décroissant. Un démarche plus logique, donc, que celle adoptée par la plupart des pays occidentaux.


La ville durable : tout le monde en parle, peu l'ont vu


Depuis les années 80, la surface habitable par habitant a doublé en Chine. Ce chiffre, auquel il faut ajouter un exode rural partiellement contrôlé et une spéculation importante, explique l'explosion de l'immobilier et le développement tentaculaire des villes chinoises. Ce phénomène touche bien sur les grandes métropoles comme Shanghai et Pékin mais la poussée est aussi très forte dans des agglomérations beaucoup plus petites.

La "ville durable", "green city" ou "生态城市" est un enjeu pour la Chine
Projets de ville durable au musée d'urbanisme de Shanghai
Contrairement aux idées reçues, la Chine s'est dotée de plans d'urbanisme assez tôt : dès les années 50 pour les villes principales et dans les années 70-80 pour des villes plus modestes. Cette planification a souvent conduit à des agglomérations multipolaires assez exotiques pour nous qui somme habitués à des centres villes bien définis. Ils ont aussi parfois permis de conserver des quartiers historiques et des zones naturelles. Mais les plans ont souvent été dépassé par la croissance de la population.
Aujourd'hui la circulation semble un problème insoluble dans les grandes métropoles où, malgré d'immenses autoroutes urbaines et un réseau dense de transports publics (à Shanghai, il y a environ 16.000 bus et 50.000 minibus), les embouteillages atteignent des proportions bibliques. La pollution comme l'augmentation de la température rendent épisodiquement les rues invivables. A plus long-terme toute la bande côtière est menacée par la montée des eaux, un problème dont l'artificialisations des sols et un régime de précipitation violent donnent déjà régulièrement un avant-goût.

Les autorités locales sont bien conscientes de ces problèmes. Existe-t-il des solutions ? On voudrait le croire mais en Chine comme ailleurs la "ville durable", "green city" ou "生态城市", reste un slogan populaire auquel on peine à donner une substance.


Publié le 5 septembre 2017 par Thibault Laconde




Vous avez aimé cet article ? N'en ratez aucun en vous inscrivant à la newsletter mensuelle.


0 commentaires :

Enregistrer un commentaire